Ma tribu plus que française
Philippe Alexandre
Robert Laffont 288 pages
Dans ce livre autobiographique, Philippe Alexandre nous raconte deux siècles d’assimilation des Juifs en France et leur histoire d’amour pour la France. Avant l’âge de 10 ans, il ne savait même pas qu’il était juif. Il l’a découvert en 1941 quand son père a jugé plus prudent de le faire baptiser. Et, pour tout dire, il n’y a pas attaché d’importance. Philippe s’est toujours senti bien plus français que juif.
Avec les années, pourtant, il a eu envie de connaître l’histoire de sa famille, des Allemands installés en France juste à la veille de la Révolution. Résultat : l’histoire un peu savante de l’assimilation des Juifs de France se transforme en un excitant roman d’aventure. On est d’abord à Forbach où certains oncles sont bouchers, les autres marchands de chevaux. Les enfants s’appellent Hayem, Isaac, Avector, Gotroh ou Marta. Le XIXe siècle s’écoule et l’histoire d’amour avec la France se prolonge.
Tout cela, Philippe Alexandre le raconte en parlant de sœurs, de tantes et de cousines. On se croit dans un roman de Balzac. La vie est belle à Forbach. Mais l’Allemagne que le clan avait fuit les rattrape en 1870.
Direction Paris. Tous vouent un culte rigoureux à une seconde religion : le patriotisme et la ”Laïcité”. Plus de prénoms juifs.
A la fin du XIXè siècle, c’est « La France juive » de Drumont. l’affaire Dreyfus et ensuite la première guerre mondiale au cours de laquelle le clan donnera plusieurs fils à la France dans les tranchées.
Alexandre ne cache pas l’égoïsme des siens face aux Juifs venus d’Europe centrale dans les années 1930. Puis viennent les pages sur une Occupation ensoleillée que le petit garçon passe à Grasse.
Ce livre est un vrai roman-feuilleton passionnant.
VERA KAPLAN
Laurent Sagalovitsch,
Buchet-Chastel, 152 pages
Ce court roman est basé sur une histoire vraie : celle de Stella Goldschlag, jeune juive allemande qui, en échange de dénonciations, a cru sauver ses parents de la déportation.
A travers cette fiction, l’auteur cherche à comprendre ce que cette situation dramatique a pu déclencher de violence dans la tête d’une jeune rebelle délurée, bien décidée à survivre et à aider ses parents. Elle est animée par des sentiments contradictoires, mais sa soif d’action l’emporte sur tout le reste. Dans un cahier, elle n’a de cesse de justifier ses actes, guidée par trois pulsions : d’une part, elle veut survivre à tout prix et témoigner, d’autre part, elle ressent un grand mépris pour tous ces « moutons » qui se laissent mener à l’abattoir, enfin elle veut croire qu’elle peut sauver ses parents.
Elle n’éprouve pas trop de difficulté à dénoncer ses camarades, ses copains, etc… Tout se justifie à ses yeux. Elle est si forte !… Nous ne pouvons pas la juger, c’est une victime. Elle sera jugée par un tribunal à la fin de la guerre et subira une peine de prison, et l’interdiction de voir sa fille née pendant la guerre, et placée en Israël.
Son cahier finira entre les mains de son petit-fils, longtemps après qu’elle se soit suicidée.
C’est un roman très dérangeant ; la personnalité de cette jeune fille est troublante car sa volonté l’aveugle totalement. Elle est péremptoire comme on peut l’être à l’adolescence.
Ce que nous trouvant de plus gênant, ce n’est pas tant l’histoire elle-même : c’est que Vera, dans son récit d’après-guerre, n’évoque pas ses parents, lesquels ont fini leur vie dans une chambre à gaz. Or, elle n’a eu de cesse de se justifier. Après la guerre, Vera répète que si c’était à refaire, elle le referait. On la comprend : comment survivre autrement ?
Sagalovitsch est plutôt provocateur, et il place dans la bouche de Vera des propos parfois inacceptables.
FORET OBSCURE
Nicole Krauss
L’Olivier, 285 pages
Ce texte (roman ?) ambitieux est l’histoire de deux personnages en quête d’eux-mêmes. A un moment de leur existence, ils éprouvent le besoin impérieux de tout quitter afin de se réconcilier avec leur nature profonde.
Ils entreprennent un voyage initiatique, à la recherche de leurs raciles, lesquelles se trouvent dans un Israël plutôt rêvé que réel.
Nous sommes tous happés par la vie urbaine et l’auteur nous donne une belle leçon de courage. Le courage de tout lâcher pour aller à l’essentiel et être en paix avec soi-même.
Pas facile à lire