Les livres de novembre et décembre

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Qui-vive

Valérie Zenatti

Éditions de L’Olivier, 176 pages

Dans ce récit, où résonnent constamment des paroles de Léonard Cohen, la célèbre traductrice des romans d’Aaron Appelfeld décrit les réflexions et états d’âme de Mathilde, enseignante d’histoire au lycée et jeune mère de famille. Une succession d’évènements survenus entre 2015 et mi-2023, ont ébranlé ses certitudes, non sans conséquences sur elle : le confinement de 2020 pendant la pandémie de Covid, le retour de la guerre aux portes de l’Europe, et le décès du chanteur et poète Léonard Cohen. Elle en devient insomniaque, et perd également le sens du toucher. À cela s’ajoute une quête liée à un texte que son grand-père a laissé derrière lui à son décès. Mathilde décide alors de renouer avec une partie de sa famille, ainsi qu’avec ses souvenirs d’enfance, en partant en Israël sur un coup de tête.

A travers un road trip entre Tel-Aviv et Jérusalem, Mathilde nous fait découvrir Israël et la très grande diversité de sa population. Comme l’indique le titre du roman, tous les sens de Mathilde sont comme réveillés en Israël, sur le qui-vive. C’est notamment le cas lorsqu’elle se perd aux environs de Capharnaüm, près d’un lieu où la guerre de 1967 a laissé des traces.

Le  juif rouge

Stéphane Giusti

Seghers, 336 pages

Le premier roman de Stéphane Giusti décrit les tragédies antisémites du siècle dernier à travers la figure d’un soldat roumain dont la mission est de sauver tous les Juifs

En 1916, dans les Carpates, Aaron Tamerlan Munteanu garde la frontière du royaume de Roumanie. Recroquevillé dans une tranchée putride il attend l’envahisseur, prêt à mourir pour une guerre absurde.

Grâce à la malédiction d’un « dybbouk » il est devenu un juif rouge condamné à endurer le destin des siens.

Dans ce XXè siècle dévoré par l’antisémitisme, le juif rouge sillonne la Mitteleuropa dans l’espoir insencé d’enrayer la folie des hommes. De Bucarest à Odessa, de Vienne à Berlin, de Liepaja à Auschwitz et Treblinka, l’errance de Munteanu le conduira jusqu’en Terre promise.

Le roman s’achève à Tel Aviv, au début du siècle suivant, par ces mots tragiques : « Nous vivons derrière un mur comme nous y vécûmes ailleurs, mais ce mur-là, nous l’avons élevé nous-mêmes. »

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Les enfants du Lutécia

Rachel Corenblit

Editions du Mercredi, 134 pages

A l’été 1945, André, Léopold et Marie-Antoinette se retrouvent tous les matins à l’hôtel Lutécia, là où arrivent les rescapés des camps de concentration. Ils espèrent le retour de leurs parents.

Entre larmes, silences et fous-rires, ils vont partager leurs histoires, leurs espoirs et leur désespoir mais par dessus tout, leur envie de vivre.

(Dès 12 ans)

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Le cinéma était leur pays

Serge Siritzky

Vérone éditions, 242 pages

C’est l’histoire réelle d’une famille juive, les Siritzky, qui 3 fois de suite pour sauver leur vie, ont dû fuir le pays dans lequel ils étaient établis pour se réfugier dans un pays dont ils ne connaissaient pas la langue.

A chaque fois, ils ont réussi dans le cinéma, en révolutionnant le métier.

Livres recommandés en sept – oct 2024

LES FANTÔMES

Eve Buchwald

Cerf, 161 pages

L’auteur se remémore son enfance de petite fille ashkénaze, née d’un couple d’âge avancé, au début des années 1950. Bercée par des souvenirs de pogroms et de guerre dans des pays qu’elle ne connaît pas, la petite Khava –Khavele- ne comprend pas comment ses parents – Fryda et Leyb- ont pu survivre à la guerre et comment elle a pu naître « de ces reliques d’un monde disparu ». L’auteure insiste sur la différence d’âge entre la petite fille qu’elle était et « les adultes âgés et en souffrance » qui l’entouraient, ces « survivants d’un autre monde ».

Or, c’est sur cet « autre monde », sur « leur passé maintes fois évoqué » que portaient la plupart des conversations autour d’elle: « Poursuivis par les visages des membres de leurs familles disparues, Fryda et Leyb reconstruisent des chaînes interminables à partir d’un seul nom magique prononcé, celui du shtetl ou de la ville d’origine ».

Les amis des parents, souvent très proches – véritable famille de substitution,  faisaient de même, et Khava fit ainsi la connaissance des nombreux fantômes d’une époque et d’un passé révolus, à jamais disparus. Elle prit vite conscience de la présence des fantômes à travers les allers-retours des prénoms d’une génération à l’autre : « Les prénoms sont choisis par les parents en fonction des fantômes de leur famille à la présence entêtante, ils choisissent de les réincarner ou de les laisser s’en aller. »

Tant et si bien qu’au chapitre IV, Eve Buchwald se hasarde même à reconstituer – avec moult détails- le jour de la naissance de sa mère : les réactions, les visites, les rencontres, les échanges entre les uns et les autres.

Un accomplissement significatif pour Khavèlè qui est devenue psychologue et psychanalyste.

DEUXIÈME GÉNÉRATION

Michel Kichka

Dargaud, 112 pages

L’auteur et caricaturiste israélien Michel Kichka est le deuxième d’une fratrie de quatre enfants. Son enfance belge a été marquée par ce qu’on n’appelait pas encore la Shoah : son père, Henri Kichka, rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald, fut le seul survivant de sa famille juive de Belgique.

La bibliothèque familiale n’était constituée que de livres sur la Shoah et le nazisme, et enfant, Michel Kichka les consultait derrière le dos de ses parents. Marqué donc très jeune par ce douloureux passé qu’il n’avait pas vécu, il retranscrit dans sa BD ses interrogations d’enfants, comme : « Pourquoi un soldat inconnu avait-il une stèle en pierre de taille alors que mon grand-père n’avait même pas une pierre tombale ? ».

Il écrit très justement : « Ma famille était partie en cendres, emportée par le vent mauvais de l’histoire ». Pourtant, longtemps, son père ne racontera rien de son vécu à Auschwitz. C’est le suicide du benjamin de la fratrie qui met soudainement fin au mutisme du père : il va devenir une personnalité belge incontournable pour témoigner et organiser des visites guidées à Auschwitz. Mais c’est également le suicide de son frère cadet qui va faire réfléchir Kichka sur son enfance, sur ses parents et les non-dits.

Cette BD est l’aboutissement de cette réflexion de plusieurs années. Que ce soit à travers les textes et à travers les dessins, l’humour est très présent, et les passages mordants ne manquent pas.

Un récit vivant et très agréable à lire.

RÉVEILLER LES LIONS

Ayelet Gundar-Goshen

Presses de la Cité, 432 pages

Une nuit, en sortant de sa garde à l’hôpital de Beer-Sheva, la ville la plus méridionale d’Israël, le Dr Ethan Green, chirurgien neurologue percute un homme dans le désert israélien.

Quand il sort du véhicule, il constate qu’il n’y a plus rien à faire pour lui et prend la fuite en laissant Assoun, migrant érythréen, agoniser sur le bord de la route.

Le lendemain, la femme de la victime se présente chez lui et lui rapporte son porte-feuille qu’il a laissé tomber en sortant du véhicule. Elle a tout vu et en échange de son silence elle exige quelque chose qui n’est pas quantifiable en argent.

Commence alors, pour Ethan, une longue descente aux enfers….

Roman à lire pendant les vacances.

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LES FEMMES D’AUSCHWITZ-BIRKENAU

Chochana Boukhobza

Flammarion, 574 pages

Écrivaine et réalisatrice de documentaires sur la Shoah, Chochana Boukhobza a enquêté pendant sept ans auprès de survivantes pour expliquer à travers l’expérience de toutes ces femmes ce qu’elles ont vécu et ce qu’était Auschwitz et plus particulièrement Birkenau.

Pour l’essentiel juives, elles sont aussi catholiques, protestantes, agnostiques ou encore tziganes ; certaines d’entre elles ont été arrêtées pour des faits de Résistance, mais la plupart ne savaient pas ce qui les attendait. Toutes celles qui ont échappé à l’extermination seront soumises à un travail forcé implacable…

Mais aussi, comment elles se sont organisées individuellement et collectivement pour survivre…

Dans l’adversité, les femmes d’Auschwitz furent sans défense, mais elles se montrèrent courageuses, audacieuses, héroïques.

Ce récit dédié à leur mémoire est un hymne à la solidarité et à la liberté, qui s’exprimèrent envers et contre tout.

Isidore et Simone, Juifs en résistance 

Simon Louvet et Remedium

OUEST FRANCE, 192 pages

Grâce au témoignage de sa grand-mère et à de nombreuses archives personnelles qui lui ont permis de faire des recherches, le journaliste Simon Louvet raconte l’histoire de ses arrière-grands-parents, Isidore et Simone.

En introduction, il précise que « ce récit historique est aussi né du négationnisme qui progresse, au nom d’objectifs politiques rétrogrades ».

Les parents d’Isidore arrivèrent à Marseille, en 1910, après avoir fui le nationalisme antisémite de l’Empire Ottoman, tandis que les parents de Simone étaient des Juifs alsaciens. La Seconde Guerre mondiale et ses persécutions antisémites vont frapper avec la même et fatale violence ces Juifs de cultures si différentes mais partageant le même attachement pour la France. Contrôleur des impôts à Metz depuis 1936, Isidore est mobilisé lors de la déclaration de guerre. En 1940, il est affecté dans un bataillon à Toulouse où il retrouve sa femme et ses filles qui s’y sont installées. Après l’Armistice, Isidore devient agent des impôts à Toulouse jusqu’aux lois vichystes de 1941, puis trouve un emploi de comptable, tandis que Simone est secrétaire. En 1943, Isidore et Simone doivent quitter Toulouse et  confier leurs deux petites filles dans un couvent catholique aveyronnais pendant un certain temps. Isidore est alors résistant dans le maquis de Vabre (lui et ses camarades libèrent Castres), puis il s’engage dans la Première armée de libération : il devra combattre vaillamment face aux Allemands dans les Vosges et en Alsace. La guerre terminée, il faudra parfois des années pour connaître précisément le sort des disparus de la famille.

Si le texte est rigoureux, il n’en est pas moins pédagogique, et pourrait également constituer une excellente lecture pour adolescents.

Remedium, le co-auteur et dessinateur de cette BD, est professeur des écoles, et auteur de livres pour enfants : son très bon coup de crayon donne aux pages un aspect aéré qui rend la lecture très agréable.

De plus, la fin du livre est constituée d’une sorte de dossier pédagogique comprenant les biographies des principaux personnages après la guerre, des questions posées à Olivier Lalieu (historien spécialiste de la Shoah), pour chacun des sept chapitres composant le livre, ainsi que des photographies et des documents personnels dont il est fait référence dans la BD.

 

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