Les livres de la rentrée de septembre 2016
Voici cinq romans à choisir pour la rentrée de septembre
AFFAIRES D’HONNEUR
Auteur : Louis Begley
Editeur : éd. Du Rocher, 343 pages
Roman très intéressant de l’auteur de « Une éducation polonaise ».
L’intrigue nous fait découvrir le monde estudiantin de Harvard, vers les années 1950. Sam, le narrateur fait partie d’une petite bande de « nouveaux » venus se loger près de l’université. Ces trois garçons, Sam, Archie et Henry, auquel viendra se joindre George, n’ont rien en commun : ni l’origine sociale, ni la religion, ni le même parcours scolaire. Ils vont pourtant restés unis en dépit de tout.
Ce qui rend ce roman si intéressant peut se résumer à deux points principaux :
D’une part, l’étude quasi sociologique des différents milieux qui se côtoient à Harvard, tout en s’évitant ; les « riches » constituant un cercle très fermé. Cette caste pleine de morgue et de préjugés est quasi inaccessible à certains, en particulier aux juifs.
D’autre part, le parcours particulier de Henri White, arrivé de Pologne depuis peu, et dont le nom juif a été américanisé. C’est sans doute le plus brillant des quatre, mais aussi le plus handicapé par son origine. Ses difficultés amoureuses tiennent une grande place dans le groupe !
Le roman s’étend sur une trentaine d’années, et le parcours de la bande des quatre s’avère parfois singulier.
Excellent roman d’une grande finesse psychologique, très accessible.
LE DERNIER PARADIS
Auteur : Antonio Garrido
Editeur : Grasset, 535 pages
contenant une bibliographie sur l’Union soviétique
Ce roman raconte un pan méconnu de l’histoire des relations soviéto-américaines : durant les années 1930, des ouvriers américains touchés par le chômage sont partis travailler en Union Soviétique. Des cadres aussi bien que des OS. Certains étaient communistes, d’autres pas, simplement attirés par la perspective d’un travail bien rémunéré. L’histoire débute au moment du départ vers ce « dernier paradis », et se termine peu après la mort de Staline. Les services secrets des deux bords sont de la partie.
L’intrigue romanesque n’est pas aussi intéressante que l’arrière-plan historique, lequel est passionnant. La description des conditions de logement, de travail l’état d’esprit de la bureaucratie soviétique, tout cela sonne fort juste.
Roman très intéressant
SECESSIONS
Auteur : Olivier Sebban
Editeur : Rivages, 349 pages
Ce quatrième roman d’Olivier Sebban est à lire absolument.
Du reste, les critiques sont unanimes : le geste de Caïn et Abel, revisité, se situe en Amérique, et couvre une partie de l’histoire des Etats-Unis, depuis la guerre de Sécession jusqu’aux années 1870. Elle se déroule en Géorgie, puis à Chicago et au Canada tout proche. Elijah doit s’enfuir de Savannah, après avoir tué son frère David. Amos, leur père, se lance à sa poursuite, non sans éprouver des remords dus à son propre comportement. Elijah ayant conçu un fils avec la femme de son frère, Amos et sa femme Moly se chargent d’élever le petit Isaac…
Cette intrigue originale, dont nous ne voulons pas dévoiler tout le contenu, nous tient en haleine. Elle est servie par une prose magnifique : dans une langue presque savante (le dictionnaire nous a servi deux ou trois fois !), l’auteur s’attache à restituer minutieusement les sensations éprouvées par les personnages : odeurs, visions de la forêt, des animaux sauvages. Et ce sans la moindre lourdeur de style. Tout au contraire, nous prenons un grand plaisir à découvrir tous ces détails qui rendent le texte si vivant et passionnant.
Ce roman est, à nos yeux, l’un des meilleurs livres de l’année 2016.
LES MANIFESTATIONS
Auteur : Nathalie Azoulay
Editeur : Seuil, 319 pages
Excellent roman qui raconte l’histoire et les aléas de l’amitié qui unit trois jeunes : Anne, Virginie et Emmanuel.
Venus d’horizons très différents, ils forment un trio très uni. Le temps passant, ils vont chacun leur chemin, mais dans l’adversité, l’amitié revient : lorsque le fils d’Anne est agressé parce que juif, Virginie et Emmanuel essaient de la soutenir. Mais Anne, laquelle a toujours vu des antisémites partout, est enfermée, créant un isolement volontaire ; son visage de martyre la rend inaccessible.
Nathalie Azoulay nous tend le miroir dans lequel elle voit sa génération aux prises avec la réalité.
C’est un roman vivant et alerte.
JAKOB LE MENTEUR
Auteur : Jurek Becker
Editeur : Grasset, 286 pages
Les récits sur la vie dans le ghetto ne manquent pas… Cependant, celui-ci se distingue par le ton adopté, et par la dérision poussée à son comble : Jurek lui-même a survécu au ghetto de Lodz.
Nous sommes en 1944, et l’espoir n’a plus sa place dans le cœur des survivants. Jakob cherche un moyen de faire renaître cet espoir : il a un poste de radio caché dans sa cave ; l’avancée des Russes se précise. Il décide donc de tenir informés les derniers habitants du ghetto, jour après jour… Et ça marche ! Ses mensonges l’absorbent totalement, car il lui faut inventer toutes ces « bonnes nouvelles ».
Dans le même temps, il « adopte » une petite orpheline de huit ans, Lina, et s’efforce de lui redonner le sourire.
Ce qui fait la force de ce roman, c’est la dérision. Mais c’est aussi le côté élusif de la réalité : les aspects précis, les détails terribles, ne sont pas de mise : ainsi, Jakob prend chaque soir son « dîner » ! Lina va jouer chaque matin dans la cour ! Le docteur passe chaque jour pour « soigner » la petite fille…
Certaines scènes sont d’une drôlerie bien amère : le jour où Jakob annonce que son poste est en panne (il se ménage un répit pour inventer des nouvelles fraîches), un radio mécanicien lui propose de réparer le poste !
Un texte magnifique, pour ceux qui ont encore le courage de se replonger dans ces temps si destructeurs