L’appel de Yehoshua
En l'espace d'une semaine, un vent de liberté a soufflé sur Paris. D'interviews en débats, une quarantaine d'écrivains israéliens ont dessiné les voies de la paix au Proche-Orient, faisant apparaître les tenants du boycott du Salon du livre pour ce qu'ils sont : des partisans de la politique du pire.
Qu'a-t-on en effet entendu durant ces quelques jours sinon des critiques, parfois très dures, de la politique israélienne et d'incessants appels pour une paix juste et durable au Proche-Orient? David Grossman, Amos Oz, Aharon Appelfeld et tant d'autres, la plupart étaient venus, d'abord et avant tout, dire leur souhait de voir le gouvernement d'Ehoud Olmert cesser ses atermoiements et s'engager au plus vite dans un véritable processus de paix avec les Palestiniens.
Invité de Nicolas Demorand, sur France-Inter, Avraham B. Yehoshua profita de la tribune qui lui était offerte pour lancer un appel solennel aux Européens afin qu'ils prennent leurs responsabilités en supervisant les négociations de paix. Vous êtes notre seul espoir, insista l'auteur d'Un feu amical (Calmann-Lévy). L'action des Etats-Unis vise essentiellement à venir en aide à Israël, vous seuls pouvez aujourd'hui mettre Israéliens et Palestiniens autour d'une table et garantir la coexistence des deux Etats sur la base des frontières de 1967. Yehoshua alla même encore plus loin, expliquant que les Européens devraient sûrement, pour y parvenir, déployer des forces armées de part et d'autre des frontières israélo-palestiniennes. Le temps qu'il faudra pour que la paix s'installe enfin.
Il y avait un sentiment d'urgence dans la voix de Yehoshua. D'urgence et de lassitude. Comme s'il n'était pas certain que ce tragique face-à-face puisse durer encore très longtemps. Parmi les textes de David Grossman, publiés dans un recueil intitulé Dans la peau de Gisela (Seuil), figure le discours qu'il avait prononcé le 4 novembre 2006 à Tel-Aviv à la mémoire d'Yitzhak Rabin. "Rabin a décidé d'intervenir, avait déclaré Grossman, car il avait eu l'intelligence de comprendre avant tout le monde que cet état de conflit permanent ne pouvait se prolonger ad vitam aeternam. Que vivre dans ce climat de violence perpétuelle, d'occupation, de terreur, d'angoisse et de désespérance, était au-dessus des forces de la société israélienne." Et il ajoutait : "Cessez d'inventer des prétextes pour ne pas parler aux Palestiniens, monsieur Olmert, (…) dépêchez-vous de combler le vide, si vous ne voulez pas vous retrouver confronté à la violence et à la destruction." Urgence donc, avant qu'il ne soit trop tard. Urgence de trouver un médiateur qui soit un catalyseur de paix. Belle mission pour l'Europe et la France lorsqu'elle prendra, à partir de juillet, la présidence de l'Union. Avec, comme feuille de route, cette phrase de Pierre Mendès France, citée par Jean Daniel dans la préface de son recueil de chroniques Israël, les Arabes, la Palestine (Galaade éditions) : "Ce que je demande est très simple, je souhaite de toutes mes forces convaincre les Israéliens que les Palestiniens ont le droit de réclamer pour eux ce qu'Israël a obtenu pour lui." A Paris, la semaine dernière, les écrivains israéliens invités par le Salon du livre en étaient à l'évidence convaincus.