Benazir Butto (2)




Femme courage

Femme courage

La mort accompagnait ses pas. Depuis longtemps. Depuis que son père, Ali Bhutto, avait fini au bout d'une cor­de, en 1979. Depuis qu'elle avait échappé à un premier attentat, en 1986. Et depuis son retour d'exil, le 18 octobre, lorsque, dans son camion blindé, elle avait miraculeusement évité la double explosion qui tua près de cent cinquante personnes.

Le 27 décembre, elle est tombée pour de bon. Cet assassinat particulièrement odieux bafoue les principes les plus généreux de la condition humaine. Pas de liberté dans le sang. Pas de démocratie avec des bombes. Peu importe que la belle Benazir Bhutto, élevée à l'occidentale, fût riche et au fond peu croyante, malgré le Coran qu'elle tenait ostensiblement sous son bras à son retour au Pakistan. Peu importe qu'elle et son clan ne fussent pas des modèles de vertu. Benazir Bhutto avait rompu avec sa jeunesse dorée loin du pays natal pour se forger un destin qui la dépassait. Elle incarnait un espoir pour des millions de Pakistanais. Et ce sont les tenants de l'obscurantisme religieux qui, en l'assassinant, ont tué cet espoir de démocratie et de liberté.

On retiendra de cette femme, et pas n'importe laquelle, puisqu'elle fut la première à gouverner un pays musulman, que par-dessus tout elle avait du courage. Elle se savait menacée, mais considérait le danger qui guettait le Pakistan bien plus grave que le danger qui la guettait, elle. « Je prie pour le meilleur et me prépare pour le pire », écrivait-elle le 20 septembre dans le Washington Post. Son voile blanc sera à jamais son linceul.

 Editorial d’Eric Fottorino. Le Monde daté du 29/12/07