Les livres de septembre et octobre

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LES FANTÔMES

Eve Buchwald

Cerf, 161 pages

L’auteur se remémore son enfance de petite fille ashkénaze, née d’un couple d’âge avancé, au début des années 1950. Bercée par des souvenirs de pogroms et de guerre dans des pays qu’elle ne connaît pas, la petite Khava –Khavele- ne comprend pas comment ses parents – Fryda et Leyb- ont pu survivre à la guerre et comment elle a pu naître « de ces reliques d’un monde disparu ». L’auteure insiste sur la différence d’âge entre la petite fille qu’elle était et « les adultes âgés et en souffrance » qui l’entouraient, ces « survivants d’un autre monde ».

Or, c’est sur cet « autre monde », sur « leur passé maintes fois évoqué » que portaient la plupart des conversations autour d’elle: « Poursuivis par les visages des membres de leurs familles disparues, Fryda et Leyb reconstruisent des chaînes interminables à partir d’un seul nom magique prononcé, celui du shtetl ou de la ville d’origine ».

Les amis des parents, souvent très proches – véritable famille de substitution,  faisaient de même, et Khava fit ainsi la connaissance des nombreux fantômes d’une époque et d’un passé révolus, à jamais disparus. Elle prit vite conscience de la présence des fantômes à travers les allers-retours des prénoms d’une génération à l’autre : « Les prénoms sont choisis par les parents en fonction des fantômes de leur famille à la présence entêtante, ils choisissent de les réincarner ou de les laisser s’en aller. »

Tant et si bien qu’au chapitre IV, Eve Buchwald se hasarde même à reconstituer – avec moult détails- le jour de la naissance de sa mère : les réactions, les visites, les rencontres, les échanges entre les uns et les autres.

Un accomplissement significatif pour Khavèlè qui est devenue psychologue et psychanalyste.

Le Centre Medem reçoit Eve Buchwald le samedi 21 septembre à 15h.

 

 

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DEUXIÈME GÉNÉRATION

Michel Kichka

Dargaud, 112 pages

L’auteur et caricaturiste israélien Michel Kichka est le deuxième d’une fratrie de quatre enfants. Son enfance belge a été marquée par ce qu’on n’appelait pas encore la Shoah : son père, Henri Kichka, rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald, fut le seul survivant de sa famille juive de Belgique.

La bibliothèque familiale n’était constituée que de livres sur la Shoah et le nazisme, et enfant, Michel Kichka les consultait derrière le dos de ses parents. Marqué donc très jeune par ce douloureux passé qu’il n’avait pas vécu, il retranscrit dans sa BD ses interrogations d’enfants, comme : « Pourquoi un soldat inconnu avait-il une stèle en pierre de taille alors que mon grand-père n’avait même pas une pierre tombale ? ».

Il écrit très justement : « Ma famille était partie en cendres, emportée par le vent mauvais de l’histoire ». Pourtant, longtemps, son père ne racontera rien de son vécu à Auschwitz. C’est le suicide du benjamin de la fratrie qui met soudainement fin au mutisme du père : il va devenir une personnalité belge incontournable pour témoigner et organiser des visites guidées à Auschwitz. Mais c’est également le suicide de son frère cadet qui va faire réfléchir Kichka sur son enfance, sur ses parents et les non-dits.

Cette BD est l’aboutissement de cette réflexion de plusieurs années. Que ce soit à travers les textes et à travers les dessins, l’humour est très présent, et les passages mordants ne manquent pas.

Un récit vivant et très agréable à lire.

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RÉVEILLER LES LIONS

Ayelet Gundar-Goshen

Presses de la Cité, 432 pages

Une nuit, en sortant de sa garde à l’hôpital de Beer-Sheva, la ville la plus méridionale d’Israël, le Dr Ethan Green, chirurgien neurologue percute un homme dans le désert israélien.

Quand il sort du véhicule, il constate qu’il n’y a plus rien à faire pour lui et prend la fuite en laissant Assoun, migrant érythréen, agoniser sur le bord de la route.

Le lendemain, la femme de la victime se présente chez lui et lui rapporte son porte-feuille qu’il a laissé tomber en sortant du véhicule. Elle a tout vu et en échange de son silence elle exige quelque chose qui n’est pas quantifiable en argent.

Commence alors, pour Ethan, une longue descente aux enfers….

Roman à lire pendant les vacances.

 

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Isidore et Simone, Juifs en résistance 

Simon Louvet et Remedium

OUEST FRANCE, 192 pages

Grâce au témoignage de sa grand-mère et à de nombreuses archives personnelles qui lui ont permis de faire des recherches, le journaliste Simon Louvet raconte l’histoire de ses arrière-grands-parents, Isidore et Simone.

En introduction, il précise que « ce récit historique est aussi né du négationnisme qui progresse, au nom d’objectifs politiques rétrogrades ».

Les parents d’Isidore arrivèrent à Marseille, en 1910, après avoir fui le nationalisme antisémite de l’Empire Ottoman, tandis que les parents de Simone étaient des Juifs alsaciens. La Seconde Guerre mondiale et ses persécutions antisémites vont frapper avec la même et fatale violence ces Juifs de cultures si différentes mais partageant le même attachement pour la France. Contrôleur des impôts à Metz depuis 1936, Isidore est mobilisé lors de la déclaration de guerre. En 1940, il est affecté dans un bataillon à Toulouse où il retrouve sa femme et ses filles qui s’y sont installées. Après l’Armistice, Isidore devient agent des impôts à Toulouse jusqu’aux lois vichystes de 1941, puis trouve un emploi de comptable, tandis que Simone est secrétaire. En 1943, Isidore et Simone doivent quitter Toulouse et  confier leurs deux petites filles dans un couvent catholique aveyronnais pendant un certain temps. Isidore est alors résistant dans le maquis de Vabre (lui et ses camarades libèrent Castres), puis il s’engage dans la Première armée de libération : il devra combattre vaillamment face aux Allemands dans les Vosges et en Alsace. La guerre terminée, il faudra parfois des années pour connaître précisément le sort des disparus de la famille.

Si le texte est rigoureux, il n’en est pas moins pédagogique, et pourrait également constituer une excellente lecture pour adolescents.

Remedium, le co-auteur et dessinateur de cette BD, est professeur des écoles, et auteur de livres pour enfants : son très bon coup de crayon donne aux pages un aspect aéré qui rend la lecture très agréable.

De plus, la fin du livre est constituée d’une sorte de dossier pédagogique comprenant les biographies des principaux personnages après la guerre, des questions posées à Olivier Lalieu (historien spécialiste de la Shoah), pour chacun des sept chapitres composant le livre, ainsi que des photographies et des documents personnels dont il est fait référence dans la BD.

 

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LES FEMMES D’AUSCHWITZ-BIRKENAU

Chochana Boukhobza

Flammarion, 574 pages

Écrivaine et réalisatrice de documentaires sur la Shoah, Chochana Boukhobza a enquêté pendant sept ans auprès de survivantes pour expliquer à travers l’expérience de toutes ces femmes ce qu’elles ont vécu et ce qu’était Auschwitz et plus particulièrement Birkenau.

Pour l’essentiel juives, elles sont aussi catholiques, protestantes, agnostiques ou encore tziganes ; certaines d’entre elles ont été arrêtées pour des faits de Résistance, mais la plupart ne savaient pas ce qui les attendait. Toutes celles qui ont échappé à l’extermination seront soumises à un travail forcé implacable…

Mais aussi, comment elles se sont organisées individuellement et collectivement pour survivre…

Dans l’adversité, les femmes d’Auschwitz furent sans défense, mais elles se montrèrent courageuses, audacieuses, héroïques.

Ce récit dédié à leur mémoire est un hymne à la solidarité et à la liberté, qui s’exprimèrent envers et contre tout.

 

Livres recommandés en mai – juin 2024

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LES TUEUSES – CES FEMMES COMPLICES DE LA CRUAUTÉ NAZIE

Minou Azoulai – Véronique Timsit

Privat, 234 pages

Nombre de femmes, à l’instar d’Ilse, Erika, Pauline, Margarete, Lina, Irma…. et tant d’autres, adhérèrent au ” parti de l’horreur et de la cruauté “.

Toutes ont été volontairement complices du régime nazi entre 1939 et 1945. Certaines, particulièrement sadiques ont tué et torturé de leurs propres mains.

Oui, les femmes aussi peuvent être des tueuses sadiques, des ” meurtrières de bureau “, sous couvert de leurs fonctions de mères idéales, infirmières zélées, surveillantes soumises, épouses parfaites…

D ’autres ont veillé au bon fonctionnement du processus d’extermination des populations.

Après la guerre, elles sont restées fidèles à leur idéologie sans jamais renier aucun de leurs actes.

Sans oublier les derniers chapitres concernant les exactions commises par les ” tueuses ” en Serbie et au Rwanda.

 

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RETROUVER ESTELLE MOUFFLARGE

récit-enquête de Bastien FRANÇOIS

Gallimard, 427 pages

Un peu par hasard, parce qu’il habite dans la même rue du 18e à Paris, l’auteur part sur les traces de cette fille d’émigrés juifs pauvres, précocement orpheline, morte à Auschwitz à 15 ans. Du peu d’éléments qu’il recueille – quelques lettres, une photo, des notes administratives, archives scolaires, registres de commerce, “fichiers juifs” de la police, bribes de récits familiaux -, il reconstitue l’itinéraire de la jeune déportée.

On songe d’emblée au magnifique Dora Bruder de Patrick Modiano (1997), mais la recherche d’Estelle Moufflarge s’avère différente, poignante et passionnante elle aussi.

A partir d’un destin individuel, l’auteur dans son enquête minutieuse, menée pendant 10 ans, retrace avec rigueur et sensibilité le sort des Juifs traqués, privés de ressources, soumis aux décrets changeants, arbitraires, des Allemands et de Vichy.

Bastien François situe sa recherche dans la perspective de la “micro-histoire globale”, développée il y a quelques dizaines d’années, qui mêle histoire et sociologie, à l’échelle des individus, des groupes humains, et étudie les interactions économiques, politiques, culturelles.

 

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COMMENT ÇA VA PAS ? – Conversations après le 7 octobre

Delphine HORVILLEUR

Grasset 150 pages

Depuis le massacre perpétré par le Hamas en Israël, l’auteur est en état de sidération et de douleur. Elle tente de trouver des mots au travers de dix conversations réelles ou imaginaires – avec ses grands-parents (Oy a brokh, Papi ! Quelle malédiction !), la paranoïa juive, les antiracistes, ses enfants, ceux qui font du bien, Israël, le Messie…

Avec acuité, force et subtilité, dans une langue imagée, entrelaçant l’intime et l’universel, le sacré et le prosaïque, la gravité et l’humour, elle en appelle à l’humanisme ; elle alerte contre ceux qui menacent de mettre le monde à feu et à sang, au nom de leurs croyances : les fanatiques des trois religions monothéistes. Et elle chante avec Anne Sylvestre : « J’aime les gens qui doutent » …

Seul bémol dans ce beau traité de douleur et d’espoir, sa définition du yiddish – « pas un langage structuré, mais une sorte de patois protéiforme … » On pourrait citer des dizaines d’écrivains yiddish qui n’ont pas « jargonné » : Cholem Aleikhem, I. L. Peretz, Avrom Sutzkever, H. D. Nomberg, Myriam Ulinover, Debora Vogel, B. Schlevin, les frères Singer…

Réflexion douloureuse et profonde.

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16 ANS, RÉSISTANT

Robert Birenbaum

Stock, 175 pages

Le 17 juillet, le lendemain de la rafle du Vel d’Hiv, à 16 ans, Robert rejoint les rangs de la résistance par l’intermédiaire de sa tante Dora.

De 1942 à 1944, son son rôle était de recruter les résistants FTP le la MOI (Main d’Oeuvre Emigrée). Mélina et Missak Manouchian ainsi que les combattants de l’Affiche Rouge en firent partie. Triste ironie de l’Histoire, il devait intégrer ces FTP lorsque les membres de l’Affiche rouge furent pris.

Il relate toutes ces années durant lesquelles, avec d’autres jeunes, français, étrangers, juifs, communistes…., ils firent des « coups de main » contre les nazis et les collabos dans Paris et la région parisienne.

Récit émouvant, digne, que livre sans fard  cet homme de plus de 97 ans et d’une mémoire époustouflante, celui d’un homme juste, généreux et humble.

Raconter. Encore et encore.

Pour que personne n’oublie jamais…

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INDIGNE

Cécile CHABAUD

ECRITURE, 231 pages

Indigne, de Cécile Chabaud, est un roman inspiré de faits réels. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, un béarnais ayant réellement existé – Georges Despaux – est membre de l’antisémite Parti Populaire Français de Doriot, et rédige des « torchons fielleux et discriminatoires » dans le journal du parti, L’Assaut. Soupçonné d’avoir voulu causer la perte d’un autre membre du PPF, il est livré aux Allemands, interné dans un camp près de Compiègne en avril 1944, puis déporté à Auschwitz et à Buchenwald. A Buchenwald, il dessine les autres internés, et sauve la vie d’un de ses camarades de misère, un Juif dans le roman, Samuel Vanmolen. Le camp est libéré en avril 1945, et Despaux revient en France quelques jours plus tard. En décembre 1945, il est jugé, devant le Palais de Justice de Pau, pour intelligence avec l’ennemi, pendant la guerre, c’est-à-dire pour la période précédant l’année passée dans les camps. Dans les années 2000, le fils de celui que Despaux a sauvé – David Vanmolen- devient le dépositaire des dessins de Despaux, véritables témoignages de la vie au Camp de Buchenwald : il organise une exposition des dessins qu’il publie ensuite dans un livre.

Ce qui doit inciter à la lecture de ce livre, c’est d’abord la qualité d’écriture et la pertinence de certaines formulations bien trouvées. Ensuite, le récit est d’autant plus captivant que les brefs chapitres portent alternativement sur trois périodes distinctes: l’internement de Despaux dans les camps, son procès d’avril 1945, et les différentes démarches du galeriste David Vanmolen. Enfin, à travers ce livre, Cécile Chabaud soulève finalement des questions essentielles : parmi les collaborateurs et les collaborationnistes, lesquels jouaient un double jeu et opéraient, simultanément, pour la Résistance ? Parmi les accusateurs de l’après-guerre, combien n’avaient-ils eux-mêmes rien à se reprocher ? Des personnes qui ont peut-être changé d’avis par pur opportunisme sont-elles légitimes à juger un homme dont les convictions auraient changé au contact de la réalité des camps ? C’est ce sur quoi semble insister Cécile Chabaud en parlant de la guerre, « avec son nombre officiel de victimes et son nombre officieux de salauds », ou en qualifiant la foule, présente au Palais de Justice, de « grégaire (…) capable de lapider comme de pardonner », ainsi qu’à travers cette question posée par l’avocat de Despaux au Président du  tribunal : « Et vous, cher Président, où étiez-vous en 1943 ? Pourquoi êtes-vous toujours là ? Qui avez-vous servi pendant la Guerre ? Pourquoi avez-vous toujours votre place ? ».

Autant de questions qui poussent à la réflexion.

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LA MAISON AU BORD DU CANAL – L’histoire de la maison d’Anne Frank

Thomas Harding  (auteur) et Britta Teckentrup (illustratrice)

La Partie, 56 pages

Initialement publié en Allemagne, ce livre superbement illustré et destiné aux enfants, raconte chronologiquement, en quelques pages,  près de 400 ans d’histoire d’une maison d’Amsterdam et de ses différents habitants, parmi lesquels Anne Frank pendant la guerre. Cette précision figure dans le sous-titre du livre, puis dans un court préambule, et à la fin, dans les deux dernières pages qui révèlent les identités de tous les habitants de cette maison (ce qui atteste ainsi de la véracité  des histoires relatées).

En revanche, pour que tout enfant s’identifie à Anne Frank, nulle part, dans le corps du texte, ne sont mentionnés ni le nom d’Anne Frank, ni les mots « Juifs » ou « Nazis » : « En un jour d’été caniculaire, des policiers accompagnés d’un soldat pénétrèrent dans la maison et montèrent d’un pas lourd l’escalier dissimulé.  Les hommes découvrirent la jeune fille, sa famille et leurs amis. Ils les arrêtèrent et les embarquèrent ».

Ce livre relève ainsi le défi de permettre à des enfants d’aborder, en douceur, l’histoire d’Anne Frank.

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