Sélection de janvier – février 2018
Voici les livres que vous trouverez sur la table des nouveautés des mois de janvier et février
LES FURIES D’HITLER
Auteur : Wendy Lower
Editeur : Texto, 287 pages
Cet ouvrage bien documenté fait le point sur ces femmes allemandes qui ont participé à la Shoah. Elles sont peu évoquées dans les ouvrages généraux. Elles ont pourtant participé activement au massacre. C’est à travers l’examen de quelques criminelles parmi les plus sanglantes que l’auteur nous fait découvrir un pan souvent occulté de l’histoire de la Shoah. Les témoignages, les documents présentés, sont terrifiants. Le deuxième sexe n’a rien à envier au premier. Il sait donner la mort de la façon la plus cruelle qui soit.
Nous nous devions d’avoir ce documentaire. C’est chose faite.
REVEILLER LES LIONS
Auteur : Ayelet Gundar-Goshen
Editeur : Presses de la Cité, 412 pages
Le premier roman de cette jeune auteur israélienne nous avait paru un peu long. Cependant, il révélait le talent de Mme Gundar-Goshen : celui de quelqu’un qui savait raconter des histoires captivantes.
Ce deuxième ouvrage vient confirmer son talent. Nous sommes captifs de cette histoire à rebondissements savamment agencés jusqu’à la dernière page : un chirurgien neurologue part faire une promenade de détende dans le désert, après une longue journée de travail. Roulant la nuit, sur un chemin qu’il pense désert, son 4×4 heurte soudain un être humain. Ethan Green sort de son véhicule ; examinant l’homme blessé à la tête, il comprend qu’il n’y a plus rien à faire, et laisse là l’Ethiopien agonisant et s’enfuit, plein de remords. Le lendemain, Sikritt, une jeune Ethiopienne, vient chez lui rapporter le portefeuille qu’il a laissé tomber en sortant de sa voiture. Elle le soumet à un chantage qui va lui faire mener une double vie.
L’histoire est très prenante, et les personnages tous intéressants. Ethan Green est quelqu’un de bien qui a commis une faute et ne peut y échapper. Sikritt est une femme fascinante : l’homme qui a été tué était son mari ; il la battait, la tourmentait ; sa toute nouvelle liberté lui permet de s’affirmer et d’exercer un ascendant sur son entourage. Liath, la femme de Green, est inspecteur de police ; plus d’une fois, elle est à deux doigts de découvrir la vérité, et n’y parvient pas : trop droite, trop confiante, peut-être.
Cette famille israélienne, un peu atypique dans le paysage littéraire, est très sympathique, enfants y compris. Nous sommes loin du quotidien des familles urbaines, si souvent évoqué dans la littérature israélienne. Confronté au dénuement des immigrés clandestins éthiopiens, Green prend des risques et pense trouver là sa rédemption.
Bref, un bon gros roman pour les prochaines vacances.
LES AVENTURES DE RUBEN JABLONSKI
Auteur : Edgar Hilsenrath
Editeur : Le Tripode, 267pages
Tout laisse penser qu’il s’agit là d’une autobiographie. Hilsenrath nous raconte comment il est parvenu à devenir un écrivain. Ce fut au prix de nombreux essais infructueux. Revenant sur ce que fut sa vie, il nous fait découvrir sa personnalité, forgée par une enfance heureuse puis totalement déstabilisée par la guerre et l’absence de ses parents. Avant de parvenir à trouver une forme de repos, Hilsenrath a beaucoup voyagé. Ses livres sont le fruit de toutes ces expériences passées, auxquelles il ajoute un humour parfois glaçant, comme dans Nuit, son chef-d’œuvre.
Nous avons beaucoup apprécié cette mise à nue d’un écrivain qui fait là une sorte de bilan sur tout ce qui a fait de lui ce qu’il est devenu : un grand écrivain.
LA LEGENDE DE BRUNO ET ADELE
Auteur : Amir Gutfreund
Editeur : Gallimard, 286p.
Le commissaire Yona Merlin enquête sur des crimes sans lien apparent. Leur seul point commun : des inscriptions hermétiques. C’est une jeune adolescente dont il a fait la connaissance qui trouve l’origine de ces signatures : il s’agit de citations de Bruno Schulz.
Roman touffu et à rebondissements, qui nous fait voyager dans le temps ; depuis l’immigration précédant la création de l’état d’Israël, jusqu’à la période actuelle. C’est aussi un vaste panorama de la société, face auquel l’attachant commissaire ne se départit pas de sa mélancolie.
Très intéressant, c’est aussi le dernier roman de l’auteur, disparu en 2015.
LES AMNÉSIQUES,
Auteur : Géraldine Schwarz
Editeur : Flammarion. 350 pages
Les Amnésiques, ce sont ces hommes et ces femmes qui, en Europe et partout dans le monde, jettent un voile sur un passé nauséabond et ne veulent plus entendre parler des méfaits accomplis par leur pays et, dès lors, par leurs proches.
Par delà l’histoire familiale de l’auteure, journaliste et réalisatrice franco-allemande, qui découvre un jour que ses grands-parents, plus particulièrement du côté allemand, n’ont pas eu une attitude très noble au cours de la Seconde Guerre mondiale, notamment à l’égard des Juifs, c’est une véritable enquête, en Allemagne, en France et à travers le monde, qui nous est proposée, à la rencontre de l’amnésie collective.
Elle nous rappelle qu’après leur victoire sur l’Allemagne hitlérienne, les Américains, les Français, les Britanniques et les Soviétiques avaient fixé quatre degrés d’implication dans les crimes nazis : 1/ Les incriminés majeurs 2/ Les incriminés 3/ Les incriminés mineurs 4/ Les Mitläufer.
En théorie, seules les trois premières catégories justifiaient l’ouverture d’une enquête judiciaire. C’est à la quatrième catégorie qu’appartenait le grand-père de l’auteure, Karl Schwarz dont le grand tort fut d’acquérir à Mannheim, une entreprise « juive » la Mineralölgesellschaft appartenant à Julius Löbman..
Géraldine Schwarz, ne manque pas de rappeler l’attitude pour le moins ambiguë des populations allemandes à l’Ouest comme à l’Est et française, dans leur volonté obsessionnelle de minimiser leur responsabilité dans la tragédie antisémite, et elle étend aussi la question à la Roumanie du général Ion Antonescu, la Hongrie de l’amiral Miklos Hòrthy, la Slovaquie de Jozef Tiso, la Bulgarie, l’Autriche les pays baltes. Elle se également penche également sur les crimes de Staline et sur ceux de l’Italie fasciste, notamment en Afrique.
Enfin, plus près de nous, la montée en France, du Front national et le drame des millions de migrants qui fuient la guerre et la misère.
Un ouvrage très intéressant.
UN SILENCE RELIGIEUX : la gauche face au djihadisme
Auteur : Jean Birnbaum
Editeur : Seuil, 239p.
Selon l’auteur, la gauche a toujours été mal à l’aise face à la religion : celle-ci devait et doit encore se tenir en dehors de la sphère politique. Ce n’est pas une position tenable, car la religion s’invite elle-même dans les débats de société, qu’on le veuille ou non.
A partir de ce constat, la gauche, coupable par omission (par exemple sur l’aspect religieux du FLN), se doit de réfléchir autrement. Ainsi, son discours sur le djihadisme est empreint d’une naïveté coupable : non, le djihadisme n’est pas « extérieur » à l’islam. Oui, on peut, et même on doit critiquer la religion lorsqu’elle s’immisce dans la vie de la république.
Certains rapprochements (par exemple celui consacré à la guerre d’Espagne) nous ont paru bien hasardeux et discutables, mais cette réflexion nous semble néanmoins intéressante.
A débattre ?
L’Homme qui avait 2 têtes
Auteur : Elena LAPPIN
Editeur : L’Olivier
Ce livre consacré à l’affaire Wilkomirski, aborde l’histoire d’un clarinettiste juif qui revendique vers 1990 son enfance dans les camps de concentration nazis dans son témoignage autobiographique « Fragments, Une enfance (1939-1948) » qui a obtenu en France le prix Mémoire de la Shoah et des récompenses similaires en Angleterre et aux États-Unis.
Wilkomirski traumatisé par la shoah, parle de son enfance. Né à Riga en 1939, séparé à 3 ans de ses parents victimes du massacre des Juifs à Riga, déporté à 4 ans à Auschwitz. Il décrit avec précision les horreurs qu’il aurait endurées dans les camps de concentration nazis de Majdanek et Auschwitz, totalement assimilé aux histoires des enfants juifs survivants, rencontrés dans son orphelinat suisse.
Il s’agit d’une enquête sur la véritable identité de Benjamin Wilkomirski accusé d’imposture en 1998 par la presse suisse. Benjamin Wilkomirski est en fait le pseudonyme de Bruno Grosjean né à Biel en Suisse en 1942 et adopté vers 1947 par un couple riche zurichois : Les Dösselker. Son enfance fut celle d’un orphelin traumatisé par l’abandon de sa mère naturelle pendant la guerre.
En 1993, l’auteur, Elena Lappin entreprend ses propres recherches pour comprendre son recours au mensonge. Elle ne condamne pas cette mystification et lui trouve une explication. « Wilkomirski est un malade de l’histoire, un être brisé, et nul d’entre nous ne peut rester insensible à son incroyable histoire ». Il apparaît sous les traits d‘un homme visiblement tourmenté à la recherche de son identité.
Comment Bruno Dösselker est-il devenu Benjamin Wilkomirski ? Le témoin le plus important de sa transformation est le Dr. E.Bernstein qui l’a accompagné des années durant, dans la quête de ses racines juives. Les précisions dans le récit de Wilkomirski, résultent de la collecte de quantités de documents et témoignages produits notamment lors des procès d’anciens nazis. Arthur Samuelson, l’éditeur américain de Wilkomirski et survivant de l’holocauste a comparé « Fragments » à l’œuvre de Primo Levi. Le récit l’a amené à porter un autre regard sur son enfance. Il classe le livre dans la catégorie fiction, ce qui élimine toute supercherie de la part de l’auteur.
et les livres précédemment recommandés restent toujours à votre disposition
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