Sélection de mai 2018
Voici les livres que vous trouverez sur la table des nouveautés du mois de mai
L’ECRIVAIN PUBLIC
Dan Fesperman
Cherche-Midi, 457 pages
Ce roman policier débute au moment où Hitler entre en guerre contre les Etats-Unis.
En Amérique, la situation est complexe : les juifs défilent dans la rue, mais ils ne sont pas les seuls : une forte minorité allemande pro-nazie, avec le Bund à sa tête, est très active ; elle a ses entrées secrètes dans une partie du gouvernement. Les mafias ne sont pas en reste : Parmi elles, la mafia juive s’engage à trouver des fonds pour aider le gouvernement. C’est ainsi qu’elle est en contact avec… la tête de la marine américaine !
Sans parler de l’espionnage qui prend une grande importance.
C’est un jeune inspecteur de province, Woodrow Cain, muté à NY, qui mène l’enquête sur trois meurtres. Il est aidé par un personnage secret et atypique, Danziger, dont la personnalité va se découvrir tout au long de l’intrigue. Ce juif cache bien des secrets mais sa connaissance des milieux interlopes va aider Cain jusqu’au bout.
C’est un polar passionnant, qui réserve bien des surprises. Le mafieux Meyer Lansky est de la partie… mais du bon côté, bien sûr !
Élu Meilleur roman policier de l’année par le New York Times
Le mur de verre
Auteur : Robert Schindel
Editeur : Stock, 301 pages
Le mur de verre est celui sur lequel butte l’Autriche toute entière dans les années 1980.
Les non-juifs qui ne parviennent pas à reconnaître la responsabilité de leur pays dans la Shoah
Les juifs de la seconde génération qui tentent de vivre « normalement », sans y parvenir.
Ce roman touffu, complexe, n’est pas d’une lecture aisée : on se perd un peu dans les méandres de l’histoire. La réalité se mêle au cauchemar, la psychologie à la psychanalyse… Comme pour montrer à quel point le pays est déstabilisé , les hommes perturbés.
De nombreux personnages se croisent, s’aiment et se déchirent ; des vies instables se font et se défont, dans une Vienne indifférente. Même le procès intenté à un ancien bourreau nazi tourne à la farce.
Roman déroutant, mais d’une très grande richesse.
Le jeu des circonstances
Auteur : Nir Baram
Editeur : Robert Laffont, 461 pages, traduit de l’hébreu
Ce roman fait figure d’exception dans la littérature israélienne : Israël en est totalement absent ; il n’y est pas question du Moyen-Orient.
Deux histoires parallèles se déroulent alternativement sous nos yeux :
La première raconte comment Thomas, jeune Berlinois sorti des études, parvient à se faire embaucher par une société américaine peu de temps avant la Seconde Guerre mondiale, grâce à de soi-disant recherches sociologiques. Progressivement, il fait carrière dans la machine de guerre nazie, fermant les yeux sur tout ce qui peut nuire à son ambition.
La deuxième fil conducteur se trouve à Moscou, à la même époque : Sacha (Alexandra) Weiberg, jeune juive issue d’un milieu intellectuel « cosmopolite », croit pouvoir sauver ses deux frères jumeaux en acceptant d’incriminer ses parents dans un prétendu complot. Elle intègre le NKVd, y faisant une brillante carrière .
Ces deux personnages finissent par se croiser au pire moment : celui de leur chute.
Cette histoire est fascinante car elle nous fait découvrir les ressorts cachés de deux personnalités qui trompent leur monde, tout en se trompant sur eux-mêmes. Cela rend leur vie chaotique, glacée. Il leur manque une véritable raison de vivre, par aveuglement : l’estime de soi.
La société totalitaire dans laquelle ils se débattent les a lobotomisés, leur ôtant toute menschlechkeit ; telle est la conclusion.
Très beau et très sombre roman.
Keila la Rouge
Auteur : Isaac Bashevis Singer
Editeur : Stock, 468 pages
Ce grand roman inédit de Isaac Bashevis Singer ressuscite le monde yiddish disparu, d’avant guerre. On y retrouve les grands thèmes de son oeuvre.
Ici, il conte les aventures de Yarmi, surnommé la Teigne, qui a effectué quatre séjours à la prison de Pawiak pour vol et pour traite des blanches et semble bien vouloir se tenir à carreau. Il a épousé Keila la Rouge, elle-même s’étant distinguée dans plusieurs bordels de la ville et aspire désormais à une vie simple et honnête.
Mais l’arrivée de Max, un ex co-détenu de Yarmi bouleverse ce bel équilibre. Il leur tourne la tête avec des combines fumeuses sensées rapporter beaucoup d’argent. Keila prend peur. Elle ne veut pas retomber dans la fange et part chercher conseil auprès d’un rabbin. C’est Bunem, le fils du rabbin, qui va lui apporter l’aide dont elle a besoin.
Singer met en scène les faiblesses humaines, le conflit entre les aspirations idéales, le désir de renouveau et l’incapacité de se libérer de son destin.
Ce texte est initialement apparu sous forme de feuilleton entre 1976 et 1977 dans un journal new-yorkais. Ecrit en yddish, il a été traduit en anglais par le neveu de Singer mais sans être publié. Ce n’est qu’en 2011 qu’il est paru en hébreu puis en italien en 2017. Le voici désormais en français !
Retours à Trieste
Auteur : Silvia Bonucci
Editeur : Le Seuil, 272 pages
Ce livre nous plonge au coeur du destin tragique d’une richissime famille juive depuis les débuts du siècle dernier jusqu’à l’effondrement de l’Empire Austro-Hongrois, suivi de la montée des nationalismes sur fond de montée des fascismes européens.
Une errance au gré des événements qui conduira la famille Levi du Caire à Paris, en passant par Vienne pour soumettre le cas de Marcello au célèbre docteur Freud. Et puis encore Gênes, Milan, Florence, Pise, sans jamais oublier Trieste, centre de l’Europe et porte de l’Orient, carrefour de tant de cultures.
Ce récit nous offre dans la violence des évènements familiaux voire son outrance, comme un miroir, un écho appuyé de ce passage du “monde d’hier” à un “monde nouveau”, mais on sait à quel point cette nouveauté sera la matrice du pire.
et les livres précédemment recommandés restent toujours à votre disposition
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